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Bruno Paccard - Retrospective - Le pont Morand en 1975

RETROSPECTIVE BRUNO PACCARD

Retrospective Bruno Paccard 2023

Le vernissage aura lieu le 27 avril 2023
Le lieu: Archives municipales, place des archives 6002 lyon
Durée:  du 27 avril 2023 jusqu’en octobre 2023
Plus de 200 photos extraites de 60 ans de travail…
Vous noterez la présence de Nancy Huston, Ernest Pignon Ernest, Alain Chevrette, Hélène Lafon (prix Renaudot 2020), avec des captation vidéos…

Texte de Marie-Hélène Lafon - La douceur existe

Ils ont des corps que je connais d’enfance ; quand ils dansent, ils sont graves, ils sont presque farouches et me donnent envie de pleurer.

Ils dansent, ils pourraient pleurer, ou gueuler, ils ne pleureront pas.

Pas devant les autres. Ils vivent tous sous le regard des autres. Ils sont tous les autres de quelqu’un.

Ils gueuleront peut-être, au café, quand la boisson aura dévissé les écrous et dégondé les vieilles douleurs.

 

Je reconnais les blouses, les bottes, les cigarettes au bec, mon père eût dit les pipes, le goût de la burle, le silence dernier des fenêtres, les chemises à carreaux, les parkas, les casquettes, les gilets, les tricots, les moustaches, les nuques, et les mains.

Les mains ont une vie propre ; elles cherchent et trouvent, ont trouvé, l’abri d’une poche ; elles empoignent la cavalière, le guidon, un bâton ; elles sont croisées et reposent, sur la table, sur les genoux, sur la canne ; elles pendent, elles attendent.

Les joies, les rêves, les désirs, les élans sont en creux, inscrits dans les marges.

Les sourires sont embusqués, à fleur de regard.

On flaire des solitudes.

 

Les mobylettes, on disait des pétarous, ont déserté ; la soutane aussi. Les cafés et les foirails se sont vidés.

Je ne peux pas ne pas l’écrire, je ne peux pas faire comme si ça n’existait pas, ce que l’on sait, ce que l’on voit, aujourd’hui, en 2022, de certains villages aux volets fermés que traversent des routes aveugles.

 

On ne peut pas ne pas se demander ce qui est arrivé à Gerry, quelle histoire ne racontera pas son visage  fracassé, raboté.

On ne saura pas à quoi Juliette s’est usée, elle se tient, elle tient ; Pierre Masson tient, les Costes et les Nouvet aussi, ils sont en vigie, dans les cuisines, au fond de la neige, devant les arbres, au bord des routes ; ils marchent, ils vont, ou ils sont ; ils sont plantés dans les paysages et font corps avec les plis des terres, leurs saisons, les gestes recommencés du travail énorme, les horizons sempiternels, les prés, les bois, les matins et les soirs.

Ils marchent et nous les suivons, le chasse-neige est passé, la voie est ouverte, les images font récit, les piquets des clôtures et les poteaux télégraphiques ponctuent des chroniques tenaces et ordinaires, de minces et sourdes litanies qui se dévident dans un coin de nos mémoires.

 

C’est une façon d’être au monde, c’est irrémédiable, c’est à prendre ou à laisser.

Je prends. Je suis embarquée.

 

La puissance et la gloire seraient du côté des bêtes, du côté des chevaux ; ils sont épiques, ils sont mythologiques, ils ont traversé des temps immémoriaux, ils sont magnanimes et affûtés, ils sentent fort. Je pense à Louis Calaferte qui a tout écrit, dans C’est la guerre.

Sur la route on entend le pas des chevaux.

On regarde par la fenêtre.

Il y a une colonne de chevaux avec des paysans qui marchent à côté d’eux un bâton à la main.

Je pense à Louis Calaferte, je pense à Jean Giono et à l’Iliade.
Les chevaux parlent.

 

Au temps où les bêtes parlaient, la ferme était une île suspendue au milieu de rien dans la perfection de l’hiver, personne ne se tuait de boisson et Gerry n’avait pas été cabossé. Pas encore. Pas déjà.

La douceur est têtue, elle existe, elle se glisse entre l’homme et le chat, le velours tiède du chat contre l’oreille de l’homme et contre sa nuque que la coiffeuse a bien dégagée ; la douceur est dans la confiance de leurs yeux posés sur nous. Elle serait dans le plastron éclatant d’une chemise de fête, dans les cheveux souples de Juliette, l’herbe des talus, le charnu des arbres et le gros grain d’un col roulé tricoté à la main par une mère, une épouse, une soeur, ou peut-être même une fille.

La douceur est dans la lumière et la photographie est une écriture de la lumière, c’est atavique parce que c’est étymologique, le mot dit la chose et il n’y a pas à sortir de là.

La douceur existe.

Texte de Joël Couve - Mémoire d'asphalte

Photographier, c’est aller au devant des êtres et des choses dans le monde. C’est ainsi que Bruno Paccard explore sous différentes latitudes des espaces de natures et de cultures diverses. Il les explore selon un rapport d’altérité inspirée à l’égard des êtres et d’attention réceptive à l’égard des choses.

Et c’est avec un sens photographique qui lui est propre qu’il perçoit, ressent et capte le réel alentour des lieux dans lesquels il voyage et prospecte. De ces lieux, il nous rapporte des séries photographiques dont les sujets peuvent nous paraître éloignés les uns des autres. Cependant, son œuvre n’est pas éclectique dans la mesure où ces sujets multiples sont pris dans des cercles de convergence stylistiques et sémantiques qui assurent au travail sa cohérence d’ensemble. Les images
photographiques en général et celles des Mémoires d’asphalte en particulier sont
iconographiquement imprégnées d’affects, chargées de symboles, de mémoires individuelles et collectives, elles sont aussi indices, témoins, documents, archives, et, dans la force de leur expression, elles ont bien sûr une valeur plastique. Les photographies nous arrivent donc dans leur évidence formelle, mais accolées à une part de mystère qui en constitue la doublure énigmatique ouverte sur le poétique. Nous comprenons alors que l’espace photographique des Mémoires d’asphalte, s’il est certes un espace prélevé sur le réel urbain, est maintenant un espace imaginaire.
Et c’est bien la translation photographique qui produit la conversion métamorphique : les choses les plus banales deviennent remarquables et l’ordinaire singulier, se détachant sur le support asphalté a priori sans noblesse, habituellement invisible et ignoré alors même que nous marchons et roulons
dessus quotidiennement.
Si l’oeuvre de Bruno Paccard n’est pas éclectique, les Mémoires d’asphalte ne sont pas davantage un inventaire pour cataloguer : elles sont véritablement une archéologie visuelle pour révéler. Elles montrent des images plus ou moins abstraites qui mêlent d’une part des objets de toutes origines, et d’autre part des marques, traces, empreintes, signes. Ce matériel visuel est dessiné, imprimé, incrusté, et comme gravé dans le bitume. Tous les motifs sont saisis dans une
lumière de type expressionniste qui compose avec les blancs et les noirs, avec les brillances et les matités. La lumière intègre un mode chromatique de contraste qui fait varier les gris et les étire rythmiquement entre du crépusculaire anthracite et de l’auroral lactescent. L’archéologie visuelle recueille les mémoires d’asphalte à la frontière de l’invisibilité et au seuil de la perte et de la dépossession. On le ressent particulièrement avec les photographies d’objets incrustés, qu’ils soient intacts, déformés ou fragmentés. C’est comme une dramaturgie poétique des choses d’abandon et d’oubli. Bien que mémoriels, ces objets polysémiques et polyvalents ne nous livrent pas des souvenirs précis. Nous n’avons ni explication ni signification immédiate, car dans l’étrangeté de leur existence photographique, ce sont des icônes hiéroglyphiques nous renvoyant dans le hors champ vers des hypothèses et des histoires à inventer. Sédimentés dans l’épaisseur de l’asphalte et comme
autres à eux-mêmes tant ils sont arrachés à leur fonction et à leur utilité initiales, ces objets nous paraissent éloignés, alors qu’en réalité ils nous sont très proches. Ne sont-ils pas possiblement des secrets tombés du fond de nos poches sur la voie publique, des talismans, gris-gris ou fétiches conjuratoires ? Ils sont nimbés d’une aura indéfinissable, spécialement lorsque Bruno Paccard les élève au point culminant de leur expressivité. Qu’ils soient précieux – gourmette en or, montre -,
indispensables – lunettes, clés – ou de la pacotille, telle cette boucle d’oreille en forme de tour Eiffel, ils sont tous émouvants et égaux dans le processus de leur « asphaltisation ». Ils sont à la fois vestiges d’un passé récent et vertiges au présent ouvert des mémoires fertiles.
Toutes les photographies de la série naissent quand exploration et création coïncident. En contrepoint des objets enchâssés dans l’asphalte matière des mémoires, les marques, empreintes, traces et signes nous le font à leur tour ressentir. Certaines marques et empreintes apparaissent dans des configurations géométriques dont les cercles, les carrés et les rectangles sont tantôt alignés
symétriquement, tantôt distribués au gré de figures plus aléatoires et hasardeuses. Elles nous placent face à des paysages stellaires comme surgis de quelque exoplanète. Parfois, nous avons aussi l’impression d’être en présence de micro cratères géologiques sous une clarté lunaire qui attribue à la lumière une dimension sidérale et ponctuellement spectrale. Et puis il y a les marques et les signes
qui dessinent souplement des graphismes inattendus et surprenants. S’agit-il de signes cryptés, de formules cabalistiques ou de messages ésotériques ? Ou bien s’agit-il d’une calligraphie hermétique venue de l’autre côté des alphabets connus ou répertoriés ? Mais peut-être sommes-nous là devant une écriture inédite que nous découvrons : l’écriture asphaltique. Elle est tracée au moyen des pneumatiques de véhicules de toutes sortes que nous, macadam scripteurs sans le savoir, conduisons
en tous sens. Sur la bande d’enregistrement qu’est l’asphalte s’impriment de façon éphémère les schémas de nos trajectoires fluides ou heurtées.
Mémoires d’asphalte, sous tous leurs aspects, deviennent comme les palimpsestes de nos existences urbaines mobiles qui ne cessent de se croiser, de se rencontrer, de se séparer… Elles sont des figures en archipel et des traces fragiles à l’ombre de nos vies citadines. Avec cette archéologie visuelle, Bruno Paccard ajoute, dans le champ perceptif et mémoriel de notre conscience urbaine, un espace réel et imaginaire supplémentaire : le monde de l’asphalte.
Joël Couve
janvier 2023

Bruno Paccard à Bologne

Bruno Paccard - Retrospective - Bruno Paccard en 1953à Bologne

13 mai 1968 à Nice

Bruno Paccard - Retrospective - 13 mai 1968 à Nice

13 mai 1968 à Nice ; le regard

Bruno Paccard - Retrospective - 13 mai 1968 à Nice ; le regard

Les Roms

Bruno Paccard - Retrospective - les Roms

les Roms

Bruno Paccard - Retrospective - les Roms

Angle rue mercière

Bruno Paccard Rétrospective - Angle rue mercière

Le pont Morand en 1975

Bruno Paccard - Retrospective - Le pont Morand en 1975

La Grande Côte

Bruno Paccard - Retrospective - La Grande Cote

Trans

Bruno Paccard Retrospective - Trans